Est-ce que la pré-saison est le moment le plus important de la saison ?
Le plus important, non. Une préparation loupée ne va pas compromettre une saison. Mais ça reste un moment important car c’est un socle, une fondation. C’est le début de saison, on va y mettre pleins d’ingrédients, notamment des règles de fonctionnement. A partir de là, on va pouvoir situer les joueurs et les mettre dans les meilleures conditions possibles pour aborder l’année. On regarde aussi le planning des matchs, combien il y a de rencontres au mois d’août, s’il y a des matchs importants en septembre avec le début des coupes d’Europe pour certains… et au moment de la reprise, personne ne peut avoir d’excuses. Il faut être prêt.
Pour être prêt, il faut en passer par les stages et par les matchs amicaux, traditionnellement programmés tout au long du mois de juillet… Quel est l’objectif du staff à ce moment-là ?
Chacun voit par rapport à son club. Les objectifs, ce sont les entraineurs et les staffs qui les donnent en ce qui concerne la préparation physique… A l’Olympique Lyonnais par exemple, on a connu les tournées. Est-ce que c’est une contrainte d’avoir pour objectif de gagner quelque chose quand on se prépare ? Donc à nous de fixer les objectifs de cette préparation, en fonction de tous les points à atteindre.
J’imagine qu’on ne repart jamais totalement de zéro… Les joueurs sont-ils partis en vacances avec un plan adapté ?
Il y a des programmes adaptés de trêve estivale. Moi, je leur en donnais mais j’aime bien quand les joueurs coupent. Le corps a besoin de ça. Les joueurs partent en vacances avec l’idée de se regénérer psychologiquement et mentalement. Ensuite, un sportif ne devrait pas avoir besoin de programme. Il est plus important d’apprendre à un sportif à se préparer que de le préparer. En fin de compte, c’est la base du métier. On lui donne un planning mais il ne faut pas en faire trop. Toute la saison ne tient pas dans le planning de la trêve estivale. Aujourd’hui on est parti dans une exagération du côté pointilleux. A force de souligner le détail, on a peut-être perdu de vue l’essentiel.
On a d’ailleurs l’impression que de plus en plus de joueurs sont accompagnés par des préparateurs physiques personnels en plus du travail lors des entrainements…
J’ai effectivement des sollicitations dans ce sens-là mais moi je préfère collaborer avec les entraineurs et les préparateurs physiques. Tout dépend du ressenti du joueur. Je préfère lui apprendre à se préparer plutôt que de balancer un programme tout fait que le joueur va subir. Il faut être dans l’échange, dans une relation entraineur-entrainé. Mais le meilleur échange que peut avoir le sportif, c’est avec lui-même, avec ses sensations et son ressenti. Le préparateur physique ne peut pas se cacher derrière des ressources scientifiques pour justifier sa légitimité, il doit avoir un échange permanent avec les joueurs pour pouvoir ajuster les entrainements. On est sur l’humain, on ne programme pas une machine. L’intelligence artificielle aura toujours ses limites, car nous avons ensuite une grosse partie à affiner. Et cette partie est plus importante.
Comment structure-t-on donc tout ce travail ?
Tout part du projet de jeu de l’entraineur et de le mettre en place. Il faut aussi étudier toutes les caractéristiques athlétiques que les joueurs doivent avoir au travers du projet de jeu qui leur sera demandé, et étudier les qualités propres de chaque joueur pour que ses qualités de footballeur s’expriment. Il ne faut pas le voir de façon trop analytique mais avoir une vision plus globale de la préparation physique.
Avec toujours un objectif sous-jacent qui est d’éviter la blessure ?
Absolument pas… Je vais peut-être me faire des ennemis. Le premier résultat, c’est que le footballeur soit performant. Alors vous allez me dire, si le joueur est blessé, il n’est pas performant. Mais quelqu’un d’entrainé sera susceptible de moins se blesser que quelqu’un qui ne l’est pas. Plus l’entrainement sera qualitatif en fonction de ce que le joueur a exprimé, plus indirectement, on évite la blessure. Adapter l’entrainement au sportif, c’est déjà un rail de prévention. Nous, on doit amener le joueur le plus près possible de ses valeurs submaximales et les atteindre, c’est exposer la personne au risque. Plus le footballeur est entrainé à atteindre ses valeurs submaximales, plus on l’expose au risque de blessure… Mais ce n’est pas un cercle vicieux. Au contraire, cela doit être un cercle vertueux. C’est le dosage, la connaissance des joueurs, les petits marqueurs qu’on a et qui nous permettent de ne pas aller jusqu’à la blessure, tout en s’approchant de ces valeurs submaximales.
Donc on ne fait jamais trop de travail foncier ?
Il n’y a aucun risque, ce n’est pas ça qui va cramer un joueur. Après, c’est sûr que ça peut jouer sur les qualités de vitesse qu’il va falloir vite retrouver, les qualités musculaires… Mais travailler le renforcement musculaire, la vitesse, les frappes, la maitrise des appuis… tout ça repose sur une base foncière. Car le football, c’est un sport d’endurance mais à quoi ? On est endurant à quelque chose, à l’effort, mentalement, à la souffrance… Et pour nous, ce qui nous importe, c’est d’être endurant à la répétition de l’effort intense et à la demande de ce que l’entraineur suggère pour le style de jeu. Avant de montrer des qualités physiques, un joueur doit d’abord montrer des qualités techniques et tactiques. Donc déjà, il faut être endurant techniquement et tactiquement pour ne pas trop détériorer le jeu. Un footballeur aujourd’hui, quel que soit son niveau physique, est capable de jouer un quart d’heure à très haut niveau. Après on doit lui fixer l’objectif de pouvoir le faire 90 minutes. Même si ces 90 minutes ont été bien modifiées par le règlement puisqu’on a le droit à 5 changements.
Est-ce que cette évolution a provoqué un changement des méthodes d’entrainement ?
Elles ont effectivement beaucoup évolué. On peut aussi caractériser le jeu avec des changements de consignes tactiques pour permettre de repousser l’apparition de la fatigue. Physiquement, on a un peu modifié les règles du jeu théoriques et physiologiques. On peut amener des changements dans les consignes technico-tactiques et par moment, au lieu d’aller sur la fatigue, on va changer la tâche et tous ces éléments-là ont beaucoup modifié la prépa physique. Alors aujourd’hui le module d’endurance à la répétition de l’effort reste obligatoire car une saison de football est longue. Et un match dure 90 minutes. Voire, 60 car les changements permettent maintenant de faire tourner la moitié de l’équipe. Les choses ont beaucoup changé depuis les années 90 et ma prise de fonction. Les évolutions de la préparation physique sont permanentes. Mais ça n’empêche pas qu’une préparation foncière est multi-factorielle. Elle va dépendre des joueurs qu’on a et du style de jeu qu’on veut avoir et du style de jeu qu’on peut faire évoluer. Avant la méthodologie était globale au club, mais plus maintenant. Ce sont tous les éléments d’entrainement qui nous amène à faire ça. La préparation physique et individuelle va être abordée dans ce sens-là.
Le visage des staffs a-t-il aussi beaucoup changé ?
Il y a aujourd’hui plus de monde dans un staff de football qu’à la NASA (rires). A l’époque, je devais faire dix devis pour faire entrer une nutritionniste, un préparateur mental ou un analyste datas. Aujourd’hui, il est acquis qu’un directeur de la performance peut recueillir un lot de marqueurs, du nutritionniste, de l’analyste vidéo, de l’analyste datas… qui va faire qu’on va pouvoir pister le joueur de façon optimale.
F.L.