On arrive sur la fin de saison. L’OL est réputé pour être un spécialiste du finish. L’aspect mental, ça représente une grosse part de la réussite ?
Je vais peut-être vous surprendre, mais je pense vraiment qu’on est à 25%. Il faut équilibrer les quatre piliers de la performance : la technique, la tactique, le physique et le mental. Vous pouvez avoir un super mental en Ligue 1, si vous n’êtes pas préparés physiquement, ça ne passe pas. Si techniquement ou tactiquement, vous êtes complètement à l’ouest et que vous ne misez que sur le physique et le mental, ça ne passe pas non plus. La grande réussite d’un projet, c’est d’équilibrer ces quatre piliers.
D’une manière générale, le mental est un domaine que les sportifs ne laissent plus de côté ?
C’est extrêmement pris en compte maintenant. A l’OL, cette cellule existe depuis plus de 10 ans. Le club était vraiment pionnier sur la préparation mentale et l’est toujours aujourd’hui, avec un préparateur mental pour chaque équipe de jeunes à l’Academy. Pourtant, il y a quelques années, c’était un domaine qui était extrêmement tabou. Et même encore aujourd’hui, certains de mes clients me font signer des contrats de confidentialité.
Il y en a une qui revendique faire appel à vos services, c’est Selma Bacha…
Je l’ai rencontrée lors d’une intervention auprès de l’OL féminin, avant un match contre le PSG féminin. Sonia Bompastor, qui était la coach à ce moment-là, m’avait demandé de booster les joueuses en termes de combattivité et de fighting spirit. Et je leur avais fait un cours de boxe. Selma avait besoin de beaucoup décharger et a souhaité aller plus loin pour tempérer cet excès d’agressivité. Elle voulait apprendre à gérer ce trop plein d’émotions et d’énergie. Ce qui est bien avec Selma, c’est qu’elle a un but clair et précis, c’est de gagner le Ballon d’Or.
Quels sont les outils que vous donnez aux joueurs ?
Tout dépend des cas de figures. Il y a quelques fois des joueurs qui sont trop stressés, ou d’autres à l’inverse qui ne prennent pas la mesure de l’enjeu. Après, on voit les outils qu’on peut appliquer sur le terrain, faire en sorte qu’ils puissent s’en servir et que ça devienne un automatisme. Quand vous regardez des matchs de foot, vous voyez des joueurs et des joueuses souffler un grand coup avant de tirer un corner, un coup franc ou un pénalty. C’est une respiration évacuation qui permet d’évacuer le trop plein d’émotions. A l’inverse, quand on a un passage à vide, il faut être capable de passer d’un état émotionnel négatif à un état positif en un claquement de doigt. Ce geste s’appelle le switch et on va l’ancrer grâce à une technique de préparation mentale pour passer de la frustration d’avoir raté à un état d’esprit positif. C’est un travail qu’on fait en amont et qu’on met des semaines à intégrer.
Le mental, c’est comme un muscle ? Ça se travaille ?
Exactement ! Le cerveau, c’est un ordinateur et il y a des logiciels qu’on doit supprimer. On appelle ça les croyances limitantes. On a aussi de plus en plus de joueurs qui ont beaucoup de mal à se concentrer, notamment en raison de l’utilisation des écrans. Un match de foot, c’est 90 minutes, mais il faut réussir à être focus pendant au moins 4 heures, avant le match, pendant le match, à la mi-temps et même après le match. C’est le plus difficile.
Avant le match justement, il y a la causerie. Ça sert aux joueurs à se mettre en condition ?
Tout va dépendre du contexte. Il y a des coachs qui vont avoir une équipe de guerriers, et qui vont booster les joueurs pour qu’ils arrivent sur le terrain chauffés à blanc, je pense à l’Atlético Madrid. Et à côté de ça, il y a des équipes où le coach va tempérer, va parler beaucoup plus de tactique. C’est le cas par exemple de Carlo Ancelotti au Real. Ça dépend beaucoup des valeurs du club, de la philosophie de jeu… Plus près de nous, par exemple, lors du match de coupe de France entre Bourgoin-Jallieu et l’OL, Lyon devait arriver à gérer le surplus d’émotions des Berjalliens. Et les Berjalliens, eux, ne pouvaient pas rivaliser sur la tactique. Ils devaient mettre de la folie dans leur jeu pour faire douter et pousser jusqu’aux pénaltys et c’est ce qu’il s’est passé.
Mais est-ce qu’il y a une formule magique ?
Il n’y a pas une bonne formule. Tous les coachs sont des spécialistes de la préparation mentale… Alex Fergusson est un pionnier. Ils vont adapter leur discours au contexte, à leur équipe, à l’adversaire. Ils ont une grande capacité d’adaptation. Et la formule qui est vraie un soir, ne sera pas la même une semaine plus tard. On n’utilise pas les mêmes leviers en fonction du contexte.
Mais le coaching mental ne concerne pas que le football… Les autres sports s’y mettent aussi ?
J’ai l’impression que les JO de Paris ont boosté l’activité. Beaucoup d’athlètes ont parlé à ce moment-là de préparation mentale, Léon Marchand notamment. Son coach est d’ailleurs devenu depuis préparateur mental de l’équipe de France féminine de football. Et je m’occupe maintenant d’un plus large panel de sportifs, y compris des enfants, du niveau amateur jusqu’au niveau professionnel. Mais aujourd’hui, 80% de mes clients sont des jeunes ou des adultes qui jouent dans des clubs de foot de haut niveau.
F.L.