Tout au long du récit, on sent que l’humain est au centre de tout. C’est la condition pour être un bon agent ?
C’est une éducation que j’ai eue et reçue de mes parents… L’humain est au cœur de tout de ce que je fais. Un agent, s’il ne pense qu’à l’argent, c’est un mauvais agent. On ne se rend pas compte à quel point un joueur de football de haut niveau peut être soumis à une pression. Il faut de l’humain derrière, sinon, les joueurs deviennent des machines.
Comment est-ce que vous décririez le métier ? Ça ressemble beaucoup à un jeu d’échec ?
J’ai compris très vite, grâce à Jean-Michel Aulas qui m’a beaucoup appris, que c’est un jeu de Mikado. Le dernier qui bouge a gagné. Il faut être patient, et parfois les silences sont plus parlants que des longues phrases. Il faut aussi analyser. Analyser quand le joueur sera en position de force, et qu’il faut bomber le torse mais pas trop. Ou quand le joueur est en position de faiblesse, voire d’échec… Là, l’accompagnement est d’une importance capitale, la confiance aussi. La jeunesse a besoin de ça…
On a l’impression que vous aviez ça dans le sang…
Je n’ai pas fait beaucoup d’efforts pour devenir agent, du moins dans ma conception du métier, dans mon approche avec les joueurs, les conseils que j’apporte, la confiance que je donne. Après il y a des vices qu’il faut apprendre. Et c’est la vie qui vous les apprend. Il faut garder en mémoire toutes les fois où vous vous êtes trompés. J’ai parfois perdu mais à chaque fois ça m’a donné un socle pour rebondir.
Est-ce que le métier d’agent a changé ?
Oui, déjà, chez les joueurs il y a beaucoup d’impatience, ce que je ne constatais pas il y a une quinzaine d’années. C’est sans doute lié à la vitesse informatique actuelle. Les jeunes joueurs, de 16 ans, qui m’envoient des textos et qui me relancent deux minutes après avec des points d’interrogation, ils n’ont plus cette notion de patience.
Si vous ne deviez retenir qu’un transfert ?
Il y en a plusieurs, mais ce serait peut-être celui de Mahamadou Diarra au Real. Il est marquant, il a été très médiatisé et si je le rate, d’agent international, je deviens agent régional et je ne transfère plus que de Limonest à Villefranche… Mais je peux parler aussi de tous les joueurs laissés libre par l’OL, dont j’ai fait le forcing ailleurs et qui ont eu une belle carrière aussi en première division.
Quel regard portez-vous sur la situation de l’OL ?
La situation de l’OL est compliquée. De club purement lyonnais, on est passé à une dimension beaucoup plus importante. Jean-Michel Aulas était toujours proche et humain avec ses joueurs. Et surtout c’était un homme de parole. Maintenant, les acteurs et décideurs ne sont plus lyonnais, donc leur décision est tournée vers un projet plus financier, ou l’humain a moins sa place. On est dans une autre dimension.
C’est difficile pour un agent de gravité dans ce monde-là ?
Oui, car pour le coup on ne parle que d’argent alors que moi, j’ai toujours parlé d’humain et j’ai toujours rappelé qu’un joueur a des droits et des devoirs. Maintenant, tous ces joueurs qui viennent d’on-ne-sait-pas-où oublient souvent qu’ils ont des devoirs. Ils sont là de passage, ce sont des mercenaires qui repartiront ensuite vers d’autres clubs. Dans le passé, Sonny Anderson, Juninho, Cris, Caçapa… ils avaient acheté une maison à Lyon. Aujourd’hui, plus un seul joueur de l’OL n’achète une maison à Lyon. Ce ne sont pas des gens qui se fixent dans la région. Aujourd’hui, ça va tellement vite ! Regardez Thiago Almada, il passe par Botafogo, il arrive à Lyon, il repart. Aujourd’hui, on ne construit pas, il n’y a plus de fondations…
F.L.
De l'échafaudage à la Ligue des Champions, de Fred Guerra
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