Comment la mairie de Lyon a failli tuer l’OL

Comment la mairie de Lyon a failli tuer l’OL
Jean Généty - DR

Aujourd’hui, qui imaginerait Jean-Michel Aulas transpirer à l’idée de se mettre Grégory Doucet à dos ?

Il n’y a pas si longtemps pourtant, l’Olympique Lyonnais n’avait pas les reins aussi solides et la Ville de Lyon en profitait largement pour s’immiscer dans les affaires du club.

En 1964, Jean Généty apparaît à la télévision. Le médecin du sport évoque alors les dangers d’une consommation excessive de vin pour les Français et fait une recommandation, jugée "sévère" par le  journaliste, de 3/4 de litre par jour, uniquement pendant les repas. Le Lyonnais embraye ensuite sur les athlètes français qui avaient selon lui manqué de vin aux Jeux Olympiques de Londres quatre ans plus tôt, leur provoquant "des incidents psychologiques".

Et de terminer en leur conseillant d’en emporter dans leurs valises pour les JO de Tokyo.

On peut lancer sa carrière dans la santé en conseillant aux athlètes de consommer du beaujolais à l’événement sportif le plus important de leur carrière (une seule médaille d’or glanée par la France en 1964, ndlr) et poursuivre sa destinée comme médecin renommé et adjoint au maire de Lyon chargé des Sports, ainsi que faiseur de rois à l’OL.

Jean Généty, c’est une histoire d’olympisme finalement. Sans réel attachement à la maxime de Pierre de Coubertin.

Il faut se souvenir que l’Olympique Lyonnais a connu une ascension timide, voire chaotique, dans une ville qui n’avait guère d’intérêt pour le football. Et que la subvention de la Ville de Lyon était si importante qu’elle donnait à la municipalité un pouvoir sur le club et ses dirigeants. Un maire ne va pas se gêner pour en user : Francisque Collomb.

Il devient premier magistrat en 1976 et, dès l’année suivante, obtient la tête d’Édouard Rochet, pourtant président de l’OL depuis plus de 10 ans. Face aux problèmes financiers de son équipe, ce gynécologue renommé avait été obligé de vendre de nombreux joueurs, provoquant une longue agonie sportive. À son successeur Roger Michaux, Francisque Collomb propose de débloquer des fonds.

Pour une prise en charge des dettes de 7 millions de francs et une nouvelle subvention d’1,9 million, il obtient en échange un droit de regard sur les décisions prises. L’adjoint aux Sports Jean Généty intègre alors le comité de gestion de l’OL, accompagné de son bras droit Jean Perrot.

En 1981, Roger Michaux ne voit pas le bout des dettes qui s’accumulent, malgré les ventes forcées de Raymond Domenech et Bernard Lacombe. Le duo Généty-Perrot décide donc de le saborder en démissionnant avec d’autres membres du comité. Mis en minorité, Michaux se retire et cède sa place à... Jean Perrot. Un coup de maître chapeauté par l’avocat André Soulier, premier adjoint de Francisque Collomb et passionné de football. L’autre tête pensante, c’est lui.

"Ça m’énervait au plus haut point que le football ne soit pas plus important que ça dans ma ville. En tant qu’ancien joueur, ayant d’ailleurs disputé des matches de lever de rideau à Gerland, je me suis donc fait un devoir d’expliquer ce qui n’allait pas à Francisque Collomb. Voilà pourquoi, avec Jean Généty, l’adjoint aux Sports, on a essayé de construire pierre après pierre", raconte-t-il dans le livre OL, histoire d’une ascension.

L’objectif jamais avoué est rempli, la Ville de Lyon a la main sur l’OL. Une situation critiquable sur de nombreux aspects, mais qui aura tout de même du bon. Loin d’être un homme de paille, Jean Perrot, chirurgien-dentiste de profession, aura développé en seulement un an un centre médical, une salle de musculation et surtout un centre de formation. Challengé en 1982, il démissionne de son court mandat avant d’avoir pu porter le secret projet de nouveau stade pour quitter Gerland.

Un camouflet pour Jean Généty? Pas du tout, l’adjoint, également chef de service de médecine du sport à l’hôpital Édouard-Herriot, œuvre immédiatement pour que Raymond Ravet, un autre de ses proches, accède à la présidence. Huit petits mois à la tête du club qui n’auront marqué personne puisque Généty ne se cachait plus d’être le vrai patron, d’autant qu’il faisait voter chaque année une subvention qui représentait un tiers du budget de l’OL.

Une situation qui va subitement prendre fin avec l’arrivée de Charles Mighirian. Le natif d’Istanbul a fait fortune dans les fruits et légumes et il n’a pas l’intention de courber l’échine. Problème, il est nommé en janvier et, deux mois plus tard, Francisque Collomb est réélu maire, Jean Généty maintenu adjoint aux Sports.

En 1985, le bruit court à Lyon que l’OL va déposer le bilan. Les résultats sportifs en D2 ne sont toujours pas bons, le risque de relégation en troisième division est réel, les comptes sont aussi rouges que les tomates du président et Jean Généty boit du petit lait. Car tout le monde sait que c’est lui qui répand la rumeur sur la fin annoncée du club. "J’aimerais que notre adjoint aux Sports, une bonne fois pour toute, nous laisse œuvrer et travailler afin de pouvoir sauver l’OL. (...) Je ne pense pas qu’ils peuvent se permettre de nous couper les vivres", lui rétorquait Charles Mighirian sur France 3.

Épuisé par ces luttes internes, il se retire en 1987 et laisse un jeune chef d’entreprise ambitieux prendre la relève. Il est validé par Francisque Collomb et Jean Généty : Jean-Michel Aulas arrive pour "rendre service". La suite, on la connaît.

Est-ce parce que les Municipales de 1989 ont mis fin à 12 ans de collombisme (premier du nom) avec la victoire de Michel Noir que JMA a pu paisiblement travailler à assainir l’OL ? Le hasard fait que l’équipe remonte en D1 justement cette année-là, pour ne plus la quitter jusqu’à aujourd’hui.

Dernier exploit rusé de Jean Généty avant de quitter son poste ? Le dimanche 16 octobre 1988, il est adjoint d’astreinte. La date choisie par Charles Béraudier, président de la Région Rhône-Alpes, pour être terrassé par une crise cardiaque. Un drame à gérer avec des pincettes car les conditions de sa mort sont... particulières. La version officielle dit, grâce à l’insistance de Jean Généty et l’appui de ses traditionnels
compères élus, que Charles Béraudier est décédé alors qu’il marchait rue Edison, dans le 3e arrondissement. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il avait en réalité été pris d’un malaise dans les bras d’une prostituée à l’étage.

Si attaché à l’OL, Jean Généty ne l’aura pas vu triompher. Il est décédé en 1991, deux ans après avoir dû quitter son écharpe d’adjoint au maire de Lyon.

A.A.

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