Cet abécédaire commence avec la lettre A et l’After évidemment ! Emission qui a démarré un soir de quart de finale retour de Ligue des champions 2006, entre le Milan AC et l’OL. Est-ce que vous vous en souvenez comme si c’était hier ?
Non, je ne m’en souviens pas ! La date est restée mais je n’ai pas de souvenirs précis. Tout simplement parce qu’on ne savait pas de quoi c’était la première, ni à quoi on donnait naissance. J’ai le souvenir du match, je me souviens à peu près de ce que j’avais dit et que j’avais un peu fait enrager les Lyonnais. J’adorerais me souvenir de cette soirée, mais on n’avait pas conscience que l’After allait devenir une telle émission.
Dans votre livre, vous expliquez que Lyon est le premier club français à ressembler à une institution comme on en voyait en Europe. Est-ce que John Textor a écorné cette image ?
Même sous Textor, Lyon a montré que ça restait une institution parce qu’il y avait les joueurs phares qui étaient là. C’était juste après les retours de Lacazette et Tolisso, le club est resté debout. L’institution ne tient pas aux hommes. Que Jean-Michel Aulas ait solidifié tout ça, qu’il ait créé quelque chose d’absolument fort, c’est une certitude. Mais une fois que c’est créé, les hommes passent, des fois ça ne marche pas, mais ça ne veut pas dire que le club s’écroule. Par exemple, Nasser Al-Khelaïfi n’est pas le garant de quoique ce soit au PSG. Il est un président comme un autre qui passe à la tête du club. C’est peut-être un peu différent dans le cas de l’OL car effectivement, avant Jean-Michel Aulas, il y a des photos en noir et blanc et des histoires qu’on se raconte mais il n’y avait pas grand-chose. Il y avait peu de supporters. Il a vraiment été le créateur de quelque chose de fort. Il a un rôle considérable dans ce qu’est l’OL aujourd’hui.
Et pourtant, il n’a pas eu le droit à son chapitre en entier…
C’est vrai, j’aurais pu. On ne s’en sort jamais quand on écrit ce genre de bouquin, on oublie toujours des trucs. En plus, j’ai plein d’histoires avec lui ! A Lyon, il est le fondateur de l’institution OL, une des premières en Europe. Il arrive avec un ancien joueur, Bernard Lacombe, qu’il nomme conseiller, et il prend des jeunes joueurs lyonnais pour construire une identité OL extrêmement forte qui renforce encore plus l’institution. C’est lui qui a mis tous les piliers.
Vous allez aussi vous mettre quelques supporters à dos… L’Olympique de Marseille a droit à son chapitre, les Verts aussi, mais pas l’OL. Sept titres de champions de France, ce n’était pas suffisant ?
Si, si, bien sûr (rires). Après, c’est ultra personnel. Saint-Etienne, c’est le club de quand j’étais môme. Il n’y a pas Auxerre non plus. L’OL, c’est le club de quand je travaille. Celui qui m’a fait comprendre que quand tu donnes ton avis, il faut assumer. Je me souviens qu’en 2009, quand ils jouent le Barça, et qu’il y a 0-0 à l’aller, tout le monde est convaincu que l’OL va se qualifier au retour… Et moi, j’ai peur de me faire virer pour avoir été le seul con à dire le contraire. Il y a une telle inimitié, que je me dis, imagine, ils se qualifient vraiment. J’ai regardé toute la première mi-temps avec la boule au ventre. Ce match m’a profondément marqué. En plus, Aulas commençait déjà à nous mettre la pression, en mode "Ces mecs-là, avec l’After, ils me font chier" (sic). Je crois qu’au final, ça fait 5-2 pour le Barça. Alors oui, l’OL méritait largement sa place dans ce livre, et je m’en veux, parce que j’ai mille histoires à raconter. Je sais qu’il y aura une suite.

En revanche, il y a en a qui a droit à toute une partie pour la lettre B, c’est Karim Benzema. Vous livrez une longue analyse sur lui. C’est un joueur de foot mais aussi une icône sociologique…
Benzema, c’est beaucoup plus qu’un joueur de foot. Toutes les analyses qu’on faisait de lui, elles débordaient toujours du football. Ce n’était jamais simple de parler de lui. Il avait tellement de fans, mais des fans qui n’étaient pas attachés à lui uniquement pour le foot mais plus par les origines et par ce qu’il représentait. Et dès qu’on émettait une critique, on a l’impression que ça allait au-delà d’une critique footballistique. En critiquant le joueur, on t’accusait de critiquer ses origines. C’était à chaque fois insupportable. Ça a toujours été très très dur de parler de Karim Benzema.
Vous évoquez d’ailleurs le clubisme. Est-ce que les supporters de l’OL sont des clubistes ?
Comme tous ! Dès qu’on parle d’un club, et maintenant encore plus avec les réseaux sociaux, on se prend des vagues de supporters qui estiment que tu as touché à quelque chose d’important chez eux, à leur identité. Le clubisme est important à l’OL, même à Monaco il est fort. Il y a forcément des gens qui vont réagir, qui vont défendre avec un aveuglement qui est d’une stupidité sans nom parce que le clubisme, pour moi, c’est de la stupidité. C’est être supporter en étant aveugle, en refusant la critique et en pensant que tout le monde en veut à ton club.
Est-ce que ça devient donc de plus en plus difficile pour vous de rester dans votre rôle ?
Evidemment que j’ai vu l’émergence des réseaux sociaux. Au début, sur le site d’RMC, on pouvait faire des papiers et les gens pouvaient écrire des commentaires et j’échangeais beaucoup avec eux. En plus, la plupart de ces papiers, ils étaient sur l’OL car c’était le club phare à cette période. Mes papiers pouvaient les déchainer ! Et le directeur com de l’OL me faisait passer des messages, il m’appelait. Après il y a eu un blog sur le site d’Eurosport et je passais des heures à répondre aux gens. Et quand Twitter est arrivé, tout a explosé car les gens sont venus encore plus au contact. Mais je suis tellement habitué et je me fous tellement de ça. Parfois évidemment, c’est dur de prendre les vagues mais il faut être un peu con pour pas comprendre comment ça marche maintenant. La moindre personne qui est un peu suivie et qui émet un avis, il faut qu’elle se prépare. Ça fait des années que ça existe et maintenant, je suis un peu plus solide.
F.L.
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